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Les abeilles

Et je sais qu’il y en a qui disent : ils sont morts pour peu de chose. Un simple renseignement (pas toujours très précis) ne valait pas ça, ni un tract, ni même un journal clandestin (parfois assez mal composé). A ceux-là il faut répondre :
« C’est qu’ils étaient du côté de la vie. C’est qu’ils aimaient des choses aussi insignifiantes qu’une chanson, un claquement des doigts, un sourire. Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu’à ce qu’elle étouffe. Elle n’étouffera pas sans t’avoir piqué. C’est peu de chose, dis-tu. Oui, c’est peu de chose. Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus d’abeilles. »
 
Jean Paulhan
« L’abeille », texte signé "Juste", paru dans Les cahiers de Libération en février 1944

Les rendez-vous

Vendredi 12 mai à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Grégory Kaczmarek : "La grande grève revinoise de 1907 : cinq mois de combats ouvriers".

Vendredi 16 juin à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Philippe Lecler : "Pol Renard, un héros de la Résistance".

 

 

1 août 2020 6 01 /08 /août /2020 11:15

                                                     Il y a quelque temps, la Revue Historique Ardennaise a publié le témoignage d’Étienne Brice dans lequel était évoquée succinctement la tentative d’infiltration de la filière d’évasion de prisonniers de guerre et d’aviateurs alliés que Paul Royaux et ses camarades avaient organisée à Charleville dès le début de l’Occupation. Qu’on me permette d’y revenir.

On se souvient que la filière avait été mise en place à partir de relais locaux (notamment à Nouzonville et à Carignan dont il sera question ici) qui envoyaient vers les bureaux du Secours national  à Charleville les illégaux qui y étaient habillés, nourris, logés, dotés en faux papiers, avant d’être évacués vers Paris grâce à la complicité d’agents de la SNCF. Son organisation revenait à Paul Royaux, responsable du mouvement de Résistance OCM dans les Ardennes depuis 1941 ; le soutien logistique appartenant au personnel du Secours national.

La police allemande recherchant les voies de salut des prisonniers et des aviateurs s’employait à y infiltrer leurs agents. L’épisode qui est relaté par Etienne Brice est celui de l’une de ces tentatives, et de son échec. Il est confondu dans l’article cité avec celle d’octobre 1942 qui fut une réussite, puisqu’elle aboutit au démantèlement de la filière, aux arrestations au sein du Secours national, et à la fuite de Paul Royaux.

L’histoire du faux aviateur Anglais est relatée dans un manuscrit conservé aux Archives départementales des Ardennes (1293 W 6). Bien qu’anonyme, on peut attribuer cet écrit à André Point, successeur de Paul Royaux à la tête de l’OCM dans le département et chef des FFI en 1944. Grâce à certaines indications données par le texte, on peut dater cet épisode des  mois de mars et avril de l’année 1942. Les passages entre guillemets dans la relation qui suit sont tirés de ce document.

 

Georges Lefèvre, propriétaire de l’Hôtel de la Gare à Carignan, appartient à la ligne d’évasion fondée par Royaux. Des centaines de prisonniers arrivant de Belgique sont dirigés chez lui avant d’être évacués vers Charleville puis Paris. C’est à son somicile qu’arrive un jour, les pieds ensanglantés par les kilomètres parcourus, un aviateur Anglais.

Georges Lefèvre l’amène chez Schwartz, salon de coiffure de la rue Jean Jaurès à Charleville où travaillent Paul Royaux et André Point . « On lui coupe les cheveux, il parle un peu français, ne peut être acheminé sans être accompagné : reste chez Schwartz quelques jours. Le fils le surprend fouillant dans les tiroirs. Pas d’étonnement pour le sans-gêne connu des Anglo-saxons. Ne sort pas. »

 

Étienne Brice est choisi par Royaux pour conduire l’Anglais à Paris par le train du matin.  Mais sitôt arrivés à la gare les deux hommes sont arrêtés par des douaniers. L’un d’eux commence à fouiller l’Anglais qui porte dans sa musette deux kilos de tabac (de contrebande bien sûr), cadeau de Brice pour ses correspondants parisiens. Ce dernier s’enfuit, poursuivi par un douanier alors que l’Anglais saute dans le train qui part. Rentré chez Schwartz, Brice se fait copieusement « engueuler » par Royaux pour sa négligence et est renvoyé à Paris par le train du soir. Mais là, personne ne l’accueille : l’Anglais a disparu dans la jungle parisienne…

 

Deux jours plus tard, Georges Lefèvre se présente à nouveau au salon Schwartz : l’aviateur est revenu chez lui. On le ramène à Charleville. On comprend qu’à Paris il a vendu le tabac pour pouvoir reprendre un billet pour rentrer à Carignan. Brice l’accompagne à nouveau à Paris. On ne sait ni où, ni par qui l’Anglais est interrogé. Toujours est-il que des doutes sont émis sur son identité et sur sa qualité d’aviateur britannique. On lui donne des livres à lire : deux fois le même, sous un format différent, et pourtant il ne relève pas et s’intéresse tout autant à l’un qu’à l’autre... « En avril, Paris fait connaître que l’agent est identifié comme agent de la Gestapo et demande d’aller le rechercher.» Pas plus de précisions sur les hôtes de l’Anglais, ni sur le service de renseignements clandestin suffisamment efficace pour confondre un traître… (Dommage !)

 

« Conseil de guerre. On décide d’aller le chercher. Paul Royaux y va… » À l’Anglais, il justifie son retour en avançant que « la filière est brûlée, qu’il faut le ramener dans les Ardennes. Qu’on pourra le nourrir mieux qu’à Paris. » On lui fait croire qu’on va l’héberger dans une ferme… Mais son exécution a été décidée, les préparatifs sont commencés.

 

Retour de Royaux et de l’Anglais. À la gare de Charleville, Brice prend le pseudo-aviateur et l’emmène au Mont Olympe, longeant la Meuse. André Point les précède. Georges Lefèvre clôt la marche. Il est près de 22 heures et la nuit tombe, on attend le soi-disant fermier qui doit les conduire chez lui. Il arrive. C’est un autre résistant du groupe OCM qui joue ce rôle, Raymond Petit.

 

Dans la côte de Montcy, Brice et Point encadrent l’Anglais. Le sentier se rétrécit. Point s’éloigne alors que Brice passe en tête, Petit est maintenant derrière l’Anglais. Il a en main un marteau, avec lequel il le frappe. L’Anglais se met à hurler.

Royaux a rejoint Point : « Ils cherchent chacun de leur côté, ne les trouvent pas et s’apprêtent à repartir quand arrivent les trois hommes avec le boche nu. Chacun fait peur aux autres. Sang tout le long de la route. On lui entoure la tête avec [illisible] et [les pieds avec] des poids d’horloge. La barque qui manque de chavirer. L’eau. Le retour à la nuit. »

Les hommes se séparent. Point s’éloigne avec Raymond Petit. À la sortie de la passerelle du Mont-Olympe, des gendarmes en patrouille les interpellent. Point se met devant Petit, qui est couvert de sang, et montre sa convocation pour l’examen de police qu’il doit aller passer le lendemain à Amiens. Il prétend qu’il est allé prendre le café chez des amis. Les gendarmes les laissent aller... Le jour suivant, Royaux et Petit reviennent sur les lieux afin de débarrasser la barque des traces de sang qui s’y accrochent, et rechercher le marteau qu’ils avaient perdu.

 

Voilà comment le faux Anglais, mais vrai agent des services de police allemands, fut exécuté, une nuit de la fin du mois d’avril, sur les bords de la Meuse. Les restes de sa dépouille gisent probablement encore au fond du fleuve, lestés par des poids d’horloge… 

 

L’homme qui avait tenu le marteau était Raymond Petit. On sait aujourd’hui que les comportements et les attitudes des Français sous l’Occupation ne s’écrivirent pas en noir et blanc, mais en de multiples « zones grises », Petit offre un exemple particulièrement significatif de ces comportements ambivalents, chez qui le patriotisme pouvait se mêler à l’intérêt. Ce quadragénaire sans profession déclarée, condamné avant la guerre pour escroquerie, vivait de trafics divers et de marché noir. Résistant de la première heure, intégré au groupe de Paul Royaux, il en était devenu l’homme à tout faire. Il fut l’un de ces « gros bras » utilisé pour les coups risqués, à qui on faisait appel lorsqu’on avait besoin de quelqu’un de peu scrupuleux prêt à faire le « coup de poing ». On le retrouve ainsi encore en 1944 dans une tentative d’enlèvement d’un collaborateur de Charleville ordonnée par la Résistance (Sur l'affaire Petit et les autres, voir mon livre Article 75) .
Mais la justice releva surtout ses accointances avec certains agents de la Gestapo de Charleville, et souligna qu'il intervenait contre rétribution auprès des Allemands, avec lesquels il traficotait, pour régulariser les situations de certaines personnes. À la libération, sa tête fut mise à prix par la Résistance. Arrêté, il fut mis à la disposition de la justice. On le soupçonnait d’avoir vendu aux Allemands André Marchand et son groupe, arrêtés dans la nuit du 9 au 10 juin 1944 alors qu’ils se rendaient à un parachutage d’armes à Meillier-Fontaine. Marchand, qui venait d’être nommé chef des FFI du secteur de Charleville, et trois de ses camarades avaient été condamnés à mort par un conseil de guerre allemand et avaient été fusillés quelques jours plus tard au fort des Ayvelles. Un quatrième homme fut déporté au camp de concentration de Buchenwald.

   

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Raymond Petit fut jugé par la cour de justice des Ardennes à Charleville le 6 février 1945 et condamné à la peine capitale. Il fut gracié et sa peine fut commuée en 10 années de réclusion. Il profita d’une mesure d’amnistie et fut libéré le 4 août 1950.

 

 

 

 

 

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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 16:20

La publication du Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora, camp de concentration et d’extermination par le travail,  aux éditions du Cherche Midi (1 tome, 2 600 pages, 3 000 photos), a été reportée en raison des circonstances actuelles et que vous connaissez tous. Néanmoins, elle reste d’actualité et la parution de l’ouvrage devrait se faire sous peu. On y trouvera les biographies des déportés ardennais pour lesquels j’ai apporté ma contribution.

 Vingt-deux ans après l’engagement pris auprès des survivants de Dora réunis au sein de l’Amicale Dora-Ellrich, l’objectif va être atteint. Fruit de près de deux décennies de recherches, de la mobilisation sans précédent d’historiens, de professeurs, d’archivistes, de bénévoles, du recoupement de milliers d’archives, cet ouvrage fixera sur le papier l’histoire d’un pan entier de la déportation dans toutes ses composantes, ses diversités, sa complexité et sa pluralité.

Combien et qui étaient les déportés de France à Mittelbau-Dora et dans ses Kommandos, d’où venaient-ils, quelles avaient été leurs formes d’engagement, quels pouvaient être les liens de sociabilité tissés entre eux, quels avaient été leurs parcours dans le système concentrationnaire, combien avaient péri, quelle était l’espérance de vie des survivants, quelles traces physiques et immatérielles nous léguaient-ils de leur expérience traumatique, comment, enfin, utiliser demain ces expériences du passé comme courroie de transmission et base de réflexion pour des générations désormais privées de témoins ?

 Autant de questions et de phénomènes auxquels chacune de ces 9 000 vies couchées sur le papier viendront éclairer. Depuis Abada Roger, résistant communiste, matricule 117858 à Dora, jusqu’à Zyman Benjamin, membre de l’Organisation Juive de Combat, matricule 75953 à Dora, en passant par Stéphane Hessel, Pierre Dejussieu-Pontcarral, Simone Veil et des milliers d’autres, ce véritable mémorial de papier réunira, pour la première fois, des déportés de tous les territoires de France, de toutes les catégories socioprofessionnelles, de toutes les religions. Publiés en avril 2020 grâce à la volonté des éditions du Cherche Midi, 9 000 exemplaires numérotés seront réservés pour chaque famille de déportés de Dora. Vous trouverez ici le livret de présentation de l’ouvrage à paraître.

D’après la page de présentation de Laurent Thiery, Dr en Histoire, Directeur scientifique du Dictionnaire biographique Mittelbau-Dora

https://www.lacoupole-france.com/

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31 mars 2020 2 31 /03 /mars /2020 16:51

ROC Rêve, André, René, dit "Jean", né le 30 mai 1914 à Saint-Michel-Sougland (Aisne), cheminot à Lumes, résistant fusillé le 26 mai 1944.

 

Rêve Roc est un enfant de l’assistance publique. Sa mère est décédée peu après sa naissance, son père alors qu’il n’a que 5 ans. À 13 ans, il quitte l’école et occupe différents emplois comme ouvrier dans l’industrie et dans l’agriculture. Au retour de son service militaire en 1937, il épouse Alice Poirot, qui donnera naissance à deux enfants. Peu de temps après, il est admis au chemin de fer et est nommé homme d’équipe au service de l’Exploitation à Lumes-Triage.

 

Comme tous les Ardennais, Rêve Roc connait l’évacuation en mai 1940. On ne sait à quelle date il rentre chez lui et reprend ses fonctions professionnelles. À partir d’octobre 1943, Rêve Roc appartient à la Résistance. Il fait partie d’une équipe de saboteurs qui s’attaquent au matériel allemand, il distribue aussi des tracts et fait passer des prisonniers de guerre évadés d’Allemagne. Sans doute appartient-il au groupe de Pol Renard, qui travaille comme lui au triage de Lumes en tant que surveillant principal au service électrique de la Compagnie de l’Est (sur Pol Renard, lire ici). On sait par ailleurs qu’il est en contact avec deux comptables de Charleville, membres comme Pol Renard de l’OCM (« Organisation Civile et Militaire »), André Marchand et Pierre Chardin, son ami de toujours (ces deux résistants furent arrêtés par la police allemande en juin 1944 et fusillés au fort des Ayvelles).

 

Dans le courant du mois de février 1944, au café de la Plage à Charleville, Rêve Roc fait la connaissance de deux militaires allemands dont l’un parle très bien le français. La conversation s’engage, et les trois hommes sympathisent, ils se revoient à plusieurs reprises dans le même établissement. Un soir, il demande à l’un de ses nouveaux amis, moyennant finance, l’identité des officiers de la Feldkommandantur 684 de Charleville, soi-disant « pour leur vendre du café ». Il lui propose en outre son aide, gîte et vêtements civils, dans l’éventualité où son camarade et lui souhaiteraient déserter. Cette imprudence est fatale. Le lendemain de cette conversation, le 24 février dans la soirée, les Feldgendarmes arrêtent Rêve Roc dans un café de la ville et trouvent sur lui de fausses cartes de ravitaillement en pain. Il est incarcéré à la prison de Charleville, place Carnot. Son épouse parvient à lui faire passer des vêtements mais ne peut le voir.

 

Le dossier de l’affaire est transmis pour instruction au tribunal militaire de la Feldkommandantur. Rêve Roc relève du chef d’inculpation « d’atteinte à la force défensive de l’armée ». Il est condamné à la peine de mort le 17 mai 1944 et fusillé dans les fossés du fort des Ayvelles le 26 mai.

Les obsèques de Rêve Roc furent célébrées en l’église Saint-Jeanne-d’Arc de Charleville, les honneurs militaires lui furent rendus. Le titre d’Interné résistant lui a été attribué le 31 mai 1963 et la médaille de la Résistance lui fut décernée à titre posthume (décret du 17 déc. 1968, JO du 17 janv. 1969).

Son nom est inscrit sur les murs du Mémorial de Berthaucourt, sur le monument aux morts de Charleville-Mézières, ainsi que sur la plaque commémorative des fusillés du fort des Ayvelles à Villers-Semeuse.

 

Fort des Ayvelles (photo P. Lecler)

 

Obsèques d'André Marchand, de Pierre Chardin et de Rêve Roc à Charleville. Le discours est lu par le Commandant Fournier, chef des FFI des Ardennes (cliché Héraux, doc. P. Lecler)

 

Sources principales : 

Le Mémorial des cheminots victimes de la répression 1940-1945, Perrin/SNCF, 2017.

Site web : Le Maitron, dictionnaire biographique des fusillés : https://fusilles-40-44.maitron.fr/spip.php?article157194

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2 janvier 2020 4 02 /01 /janvier /2020 18:38

On se souviendra peut-être de cette notice consacrée au gendarme Dominique Louge, tué par un Allemand à la Neuville-en-tourne-à Fuy le 30 août 1944. De nouveaux documents éclairent cet épisode de la Résistance et de la libération des Ardennes. En voici la teneur.

 

À la Neuville en Tourne à Fuy, fut érigée une stèle en la mémoire du gendarme Dominique Louge, de la brigade de Machault, résistant du maquis « Violette »,  maquis situé entre Juniville et La Neuville. Selon la relation qu’en a fait le commandant du maquis, André Monnet (document inédit),  le gendarme Louge, en patrouille avec deux autres maquisards, arrêta dans la nuit du 30 au 31 août un soldat allemand en bicyclette. Celui-ci refusa de se laisser désarmer et ouvrit le feu sur les trois hommes. Ainsi périt le gendarme Louge. Sur le marbre est inscrit : « Les FFI de La Neuville à leur camarade Dominique Louge mort pour la France le 28 août 1944 ». Mais il y a là une erreur manifeste : c’est bien le 30 août, et non le 28, que fut tué Dominique Louge.

 

Le petit-fils de Jan Tarasek, qui était l’un des ces maquisards qui accompagnait Dominique Louge, m’a fait parvenir quelques documents retraçant l’histoire de son grand-père, décédé aujourd’hui.

 

Jan Tarasek (1914-2004) est né quelque part en Pologne le 12 septembre 1914. Il fut

enrôlé dans l’armée à Cracovie en 1937.  Il commandait une unité de communications au sein de la brigade de cavalerie de Cracovie. Après l’offensive allemande, il fut capturé par l’ennemi mais il parvint à s’évader le 28 février 1940, et traversa la Yougoslavie pour venir en France. On ignore comment il vécut dans la France occupée : il semble que caché sous une fausse identité, il travailla pour la Résistance en tant qu’opérateur-radio, jusqu’en 1944 où il se retrouva à La Neuville-en-Tourne-à-Fuy et où on le connaissait comme travailleur agricole.

 

Cliché pris au maquis (?), sans lieu ni date, Tarasek est à droite (Doc : S. Tarasek)

 

À l’été 1944, il est à La Neuville, au maquis « Violette » (du nom de son chef, Jean Deguerne, alias « Violette », chef des FFI du secteur de Rethel). C’est un spécialiste des communications, il est chargé de la radio, et attend, avec ses camarades, un parachutage d’armes qui ne viendra pas, se préparant au combat contre des soldats allemands qui commencent à battre en retraite devant l’avance des armées alliées.

Selon la relation qu’en a fait Tarasek dans un journal polonais en 1967, on peut avancer ce qui suit.

 Dans la nuit du 29 au 30 août, Violette regroupa quelques maquisards aguerris afin de déloger de La Neuville une petite unité de soldats allemands qui cantonnait à la mairie du village. Ils emmenèrent avec eux le gendarme Louge, qui venait de déserter la brigade de Machault et de les rejoindre, et prirent la route.

Il était 4 heures du matin,  quand Tarasek a vu approcher un cycliste « habillé comme un ouvrier ». Il l’a sommé de s’arrêter et a braqué son arme sur lui. Tout ce qui s'est passé ensuite a duré quelques secondes. L’autre a sorti une arme et a tiré. Tarasek a riposté et a tué l’Allemand. Lui-même blessé, il a perdu connaissance et quand il est revenu à lui, il a vu deux de ses camarades au sol : Dominique Louge avait été tué, l’autre était blessé. Les derniers s’étaient enfuis.

 

Tarasek réussit à se lever et à rejoindre le village. Il fut secouru et quand il se réveilla un médecin américain l’avait pansé, mais sa blessure au foie était trop grave et nécessitait un séjour à l’hôpital. C’est Maurice Monnet, du Châtelet-sur-Retourne, qui fut chargé d’escorter Tarasek à l’hôpital de Rethel (Maurice Monnet était le jeune frère d’André Monnet, adjoint de « Violette » au sein des FFI de Rethel). Les deux hommes prirent place dans une camionnette bâchée mais à Tagnon, ils furent pris dans une escarmouche entre soldats allemands et Américains. Ils durent se mettre à l’abri et un infirmier américain appelé à la rescousse vint installer un goutte-à-goutte au blessé (ce qui étonna beaucoup Maurice qui n’avait jamais vu cela…)

 

Après négociation, les Allemands laissèrent passer la camionnette transportant Tarasek qui put être hospitalisé à Rethel au milieu de soldats allemands qui étaient pour beaucoup évacués, les Allemands abandonnant la ville. Tarsek fut opéré, et il termina sa convalescence à La Neuville-en-Tourne-à-Fuy, où son commandant d’unité le présenta, au cours d’une cérémonie officielle, comme « un Français plus grand qu’un vrai Français ».

 

Jan Tarasek  fut décoré, entre autres,  de la croix de Guerre et de la médaille de la Résistance. Il rentra en Pologne en 1946.

 

Jan Tarasek (Doc : S. Tarasek)

 

Mes remerciements vont à Stanislaw Tarasek pour la documentation inédite concernant son grand-père, et à Bonia pour la traduction du polonais de l’article “PRZELOMOWY DZIEN” (« La journée cruciale »).

 

 

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