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Les abeilles

Et je sais qu’il y en a qui disent : ils sont morts pour peu de chose. Un simple renseignement (pas toujours très précis) ne valait pas ça, ni un tract, ni même un journal clandestin (parfois assez mal composé). A ceux-là il faut répondre :
« C’est qu’ils étaient du côté de la vie. C’est qu’ils aimaient des choses aussi insignifiantes qu’une chanson, un claquement des doigts, un sourire. Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu’à ce qu’elle étouffe. Elle n’étouffera pas sans t’avoir piqué. C’est peu de chose, dis-tu. Oui, c’est peu de chose. Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus d’abeilles. »
 
Jean Paulhan
« L’abeille », texte signé "Juste", paru dans Les cahiers de Libération en février 1944

Les rendez-vous

Vendredi 12 mai à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Grégory Kaczmarek : "La grande grève revinoise de 1907 : cinq mois de combats ouvriers".

Vendredi 16 juin à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Philippe Lecler : "Pol Renard, un héros de la Résistance".

 

 

3 juillet 2008 4 03 /07 /juillet /2008 18:43

     Fin avril 1942, Adelin Husson quitte Liège vers Arlon. Il ne s’agit pas d’un voyage exceptionnel. Adelin se rend régulièrement dans le chef-lieu de la province de Luxembourg.

Lors de son retour à Liège, il apprend l’arrestation de son épouse, de sa fille et de son fils et de certains de ses compagnons. Adelin Husson n’est pas étranger aux mouvements de résistance. Il en est déjà membre dans la région liégeoise. En plus de ce rôle, Adelin, journaliste de profession,  a mis en place un réseau de presse clandestine dont la Churchill Gazette. Les exemplaires édités ainsi que d’autres journaux sont notamment distribués par les membres de sa famille.

Dès le mois de mai 1942, il est donc obligé d’entrer dans la clandestinité et s’installe dans le domaine du Banel en territoire français, à proximité de Chassepierre, son village d’origine. Tout en gardant le lien avec les membres de son réseau de Liège et d’Arlon, Adelin, dit « Georges » dans la résistance, entre en contact avec des groupes de résistants belges et français. Il devient, en outre, le chef d’une ligne de renseignements et d’action qui s’étend des provinces de Liège et de Luxembourg jusqu’aux Ardennes et Lorraine françaises. Au fil du temps, il ajoute l’aide aux réfractaires et aux aviateurs alliés.
L’action -présence de corps francs- nécessite de se procurer armes et munitions. Le 3 septembre 1943, suite à une dénonciation,  une partie des armes provenant des parachutages sur le
Monty à Muno est saisie par l’ennemi dans la cache du Banel. Le débarquement allié du 6 juin 1944 rend l’armement  de plus en plus indispensable. Les Allemands le savent aussi. C’est pourquoi ils introduisent leurs agents dans la résistance locale. L’un d’eux, un Belge, promet au Banel la livraison d’armes, demandée par le maquis, pour deux mille cinq cents hommes. D’où le large effectif allemand -environ deux mille soldats- du 18 juin 1944. Les maquisards, eux, ne sont que quatorze dans les trois cagnas. Du renfort extérieur est donc engagé pour réceptionner les armes près des étangs du domaine.

Mais à l’aube du 18 juin, les bois du Banel et du Buchy sont encerclés par l’armée allemande. Des arrestations se succèdent  à l’approche  de la zone. Des coups de feu retentissent et alertent les résistants. Progressivement, l’étau se resserre autour des clandestins. Aucune issue n’est vraiment envisageable…

Tous sont pris, excepté Jean Cazes qui s’est réfugié dans un arbre. Jacqueline Ezannic et son frère Pierre, Marguerite Van Bever et quatre aviateurs américains ( Ralph Sack, Gordon McIntosh, Edward Zabinski et Harold Butler ) sont emprisonnés. Pierre meurt en Allemagne, les autres sont libérés à la fin de la guerre. Les réfractaires du Buchy : André Poncelet, Fernand Blaise, Armand Polèse et Casimir Rzepecki sont massacrés. Adelin et son fils Jules qui s’était échappé de la Citadelle de Huy en juillet 1942 sont abattus ainsi qu’André Lejeune revenu dormir chez ses parents et Aimé Houlmont venu en renfort. Le corps d’Adelin Husson ne sera jamais retrouvé. Le corps franc de Williers, dont les cagnas se trouvaient à gauche de la route Florenville-Carignan, échappe à l’encerclement du maquis.

A la tombée du jour, les tortionnaires quittent les lieux.
La chasse aux maquis avec infiltrations, dénonciations et délations, l’imprudence de certains résistants ont fait du 18 juin 1944 un jour long et douloureux pour les victimes, les détenus et leur famille.

Adelin Husson, fondateur et chef du maquis du Banel, et  son fils Jules ; tous deux tués par les Allemands le 18 juin 1944.

 

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22 juin 2008 7 22 /06 /juin /2008 15:44

      La cérémonie de commémoration des massacres du maquis du Banel a eu lieu le dimanche 22 juin, au monument dédié aux « Héros du Banel et de la Résistance franco-belge », à la Barrière Busch, sur la frontière entre Carignan et Florenville. C'est devant une assemblée nombreuse et recueillie, en présence de diverses personnalités belges et françaises, tant du monde politique qu'associatif, que le Président du Comité belge du « Souvenir du Banel » (organisateur cette année de la cérémonie), rappela que 2008 marquait le 50e anniversaire de l'érection du monument. Il laissa ensuite la parole à l'écrivain de Florenville Marie Fizaine, qui évoqua les affres de l'Occupation, les joies de la libération, l'angoisse de la Noël 1944, et l'impérieuse nécessité de transmettre la mémoire de ces événements fondateurs d'une Europe pacifiée et démocratique.

 

         
    Comment évoquer en quelques lignes le maquis franco-belge du Banel tant son histoire est complexe, son action multiforme, aux ramifications nombreuses dans et hors du département, en Belgique comme en France ? Une étude, issue là aussi de la coopération franco-belge, est en cours, et il sera temps d’en reparler…

  Constitué dès 1942 (il est le premier maquis ardennais et le seul unissant dans la lutte Français et Belges) dans les bois du Banel, à la frontière, entre Carignan et Florenville, par le journaliste belge Adelin Husson, le maquis fut à la fois un service de renseignement à destination des alliés et une unité paramilitaire pratiquant coups de main contre l’occupant et sabotages. Le dimanche 18 juin 1944, à la suite de l’infiltration dans la Résistance du collaborateur Charles-Antoine Roemen, le maquis fut encerclé par les troupes allemandes, et réduit en quelques heures.


  Liste des victimes de la répression allemande du Banel
Toutes sont inscrites sur les murs du
Mémorial de Berthaucourt

 

HUSSON Adelin, né le 10 mai 1899 à Chassepierre (Belgique), journaliste domicilié à Bressoux (Belgique). Fondateur d’un réseau de renseignement et du maquis franco-belge du Banel en mai 1942. Fusillé ( ?) par les Allemands le jour de l’attaque du maquis le 18 juin 1944. Son corps ne fut jamais retrouvé.

HUSSON Jules, né le 13 novembre 1924 à Eischweiler (Belgique), domicilié à Bressoux (Belgique), fils du précédent. Fusillé par les Allemands le jour de l’attaque du maquis le 18 juin 1944.

POLESE Armand, Victor, né le 31 octobre 1921 à Rimogne, domicilié à Linay. Réfractaire au STO, il rejoignit en 1942 le maquis franco-belge du Banel, dirigé par Adelin Husson. Agent de liaison puis chef de groupe, il occupait au maquis une « cagna » au lieu-dit « le Paquis de Frappant », dans la clairière de Buchy, avec trois autres réfractaires, André Poncelet et Fernand Blaise, Casimir Rzepecky, et une jeune fille belge, Marguerite Van Bever. Le 18 juin 1944, après que le maquis eut été encerclé par de fortes troupes allemandes, les cinq maquisards furent arrêtés dans le bois du petit Banel sans pouvoir opposer de résistance à leurs poursuivants. Les quatre jeunes hommes furent emmenés au fortin du Paquis de Frappant, les mains liées dans le dos avec du fil de fer. Ils furent battus à mort, puis, étendus le visage contre terre, fusillés.

PONCELET André, né le 10 août 1922 à Florenville (Belgique), domicilié à Matton. Maquisard au Banel, compagnon d’Armand Polèse, il fut fusillé par les Allemands le 18 juin 1944.

HOULMONT Aimé, Emile, Germain, né le 21 janvier 1913 à Saint-Vincent (Belgique), militaire de carrière, domicilié à Pin-Izel (Belgique). Spécialiste radio du maquis du Banel. Arrêté lors de l’attaque du maquis, roué de coups puis fusillé et enterré près du château du Banel ce même jour, le 18 juin 1944.

BLAISE Fernand, né le 12 août 1921 à Florenville (Belgique), domicilié à Matton. Fusillé lors de l’attaque du maquis franco-belge du Banel le 18 juin 1944.

LEJEUNE André, né le 21 février 1924 à Schaebeck (Belgique), domicilié à Chassepierre (Belgique). Maquisard au Banel. Fusillé par les Allemands le jour de l’attaque du maquis le 18 juin 1944.

RZEPECKI Casimir, né le 3 janvier 1922 à Muzymen (Pologne), domicilié à Linay. Maquisard au Banel, compagnon d’Armand Polèse, il fut fusillé par les Allemands le 18 juin 1944.

 
D’autres noms peuvent leur être associés :

RZEPECKI Maurice, né le 2 février 1924 à Wincki (Pologne), domicilié à Linay (frère du précédent). Membre du service de renseignement du Banel, il fut envoyé en mission à Vireux avec Robert Lambert. Les deux hommes furent arrêtés par la Feldgendarmerie le 6 janvier 1944, après échanges de coups de feu, en gare de Vireux. Arrêté, Maurice Rzepecki fut fusillé à Mézières le 22 avril 1944.

LAMBERT Robert, né le 15 juin 1926 à Linay, domicilié en cette commune. Membre du service de renseignement du Banel. Envoyé en mission à Vireux avec Maurice Rzepecki. Les deux hommes furent arrêtés par la Feldgendarmerie le 6 janvier 1944, après échanges de coups de feu, en gare de Vireux. Robert Lambert fut fusillé sur place.

LAMBERT Joséphine, née REY le 13 janvier 1891 à Gégonzac (Lot), domiciliée à Linay. Mère de Robert Lambert. Arrêtée le 4 janvier 1944 en représailles de l’action de son fils. Déportée au départ de Compiègne le 31 janvier 1944 vers le camp de concentration de Ravensbrück. Décédée à Ravensbrück le 14 janvier 1945.

EZANNIC Pierre, né le 12 août 1924 à Sedan, domicilié à Matton. Arrêté le 18 juin 1944 lors du démantèlement du maquis du Banel. Déporté le 9 août 1944 au camp de Deckenschule. Décédé en Allemagne, à Essen, au cours d’un bombardement allié le 23 octobre 1944.

BERGMANN Robert, né le 8 février 1926 à Troyes, domicilié à Les Deux-Villes. Réfractaire au STO réfugié à Matton-Clémency, à proximité du domaine du Banel. Probablement découvert par les troupes allemandes lors de l’attaque du maquis le 18 juin 1944, il fut fusillé sur place. Son corps sera retrouvé à la Libération près du moulin du Banel.

 

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 07:32
        Le transport du 24 janvier 1943 fut composé au départ de Compiègne d’hommes et de femmes, voyageant dans des wagons différents, et aux destinations différentes. Au moins 1466 hommes furent dirigés, après le passage de la frontière allemande vers le camp de concentration de Sachsenhausen, où ils entrèrent le 25 janvier ; 230 femmes furent emmenées au camp de concentration d’Auschwitz, où elles arrivèrent dans la soirée du 26 janvier, ne descendant des wagons que le lendemain matin pour entrer dans le camp de Birkenau en chantant La Marseillaise. Les femmes arrêtées par mesure de répression de ce transport sont les seules à avoir été dirigées vers le complexe d’Auschwitz. Les autres, venant de France, furent des Juives déportées dans le cadre de la « Solution finale ». Selon les données du Livre-Mémorial de la FMD, 85 % des femmes de ce convoi avaient été arrêtées pour des faits de résistance. Par ailleurs, plus de la moitié d’entre elles étaient communistes. Leur sort est marqué par une mortalité effrayante : seules 49 d’entre elles rentreront en France en 1945.

 Quatre femmes arrêtées dans les Ardennes pour leur activité de résistance furent déportées par ce transport.

         Trois d’entre elles avaient été arrêtées à la fin du mois d’octobre 1942 par la Gestapo de Charleville à la suite du démantèlement par ce service d’une filière d’évasion de prisonniers de guerre français qui avait son centre à Charleville. L’organisation qui avait été fondée par Paul Royaux, chef de l’OCM des Ardennes, avait gagné de nombreuses complicités au Secours National, dont les membres prenaient en charge les prisonniers évadés (soins médicaux, hébergement, habillement, ravitaillement). Après que de faux papiers leur aient été remis, ceux-ci étaient évacués vers leurs régions d’origine. L’infiltration d’un traître dans le réseau avait permis aux Allemands de mener un coup de filet en son sein (12 arrestations). Paul Royaux, recherché, dut alors quitter le département et entrer en clandestinité.
 

 

 

 

            








Marcelle FUGLESANG

        En juillet 1914, M. Jean Fuglesang, Norvégien installé à Paris où il possède une affaire d’importation, emmène sa femme et ses quatre enfants (dont l’aînée, Marcelle, a onze ans) passer les vacances dans son pays comme tous les ans. La guerre les empêche de revenir en France. M. Fuglesang se fait une nouvelle situation à Oslo et décide d’y rester. Mais Marcelle veut finir ses études à Paris. Elle tient sans doute plus de sa mère, qui est française et de qui elle prendra la nationalité quelques années plus tard - non sans peine, car elle est née à Oslo, le 21 février 1903.

En 1920, Marcelle Fuglesang est de retour à Paris. Elle y fait des études d’infirmière, d’assistante sociale, de puéricultrice. Elle aime la France, elle en adopte les manières, les idées, la religion : elle se convertit au catholicisme et devient une chrétienne fervente.

En 1939, elle s’engage dans l’armée comme infirmière. Quand part l’expédition de Narvik, elle fait valoir que sa connaissance du norvégien sera utile, et rejoint une antenne chirurgicale qui arrive à Narvik au moment où le corps expéditionnaire plie bagages. Au prix de mille difficultés, Marcelle Fuglesang traverse la Suède, rentre en France, et demande un nouveau poste. Le Secours national cherche une assistante sociale en chef pour Charleville. Personne ne veut y aller. Les communications (c’est au début de juin 1940) sont hasardeuses, la zone dangereuse (et même interdite…). Marcelle Fuglesang met son sac sur son dos et gagne les Ardennes.

Il y a à faire à Charleville : toutes les tâches de l’assistance sociale dans une époque où la misère atteint les familles dont le chef est prisonnier. Soulager, soigner, ne suffit pas à Marcelle Fuglesang. Elle voudrait faire plus et elle déteste les Allemands. Son amour de la France fait d’elle une patriote exaltée jusqu’à l’imprudence. Quand elle croise des Allemands dans les rues, elle les nargue. L’occasion d’agir davantage se présente quand Paul Royaux crée un réseau d’évasion pour les prisonniers. Charleville devient le maillon d’une chaîne qui part des Stalags et des Oflags, une étape sur la route de Besançon et de la Suisse. Anglais et Français évadés arrivent à Charleville, sont pris en charge par le Secours National que dirige Marcelle Fuglesang, hébergés au centre d’accueil où on leur fournit papiers d’identité, vêtements, nourriture, billet de chemin de fer pour Besançon, mot de passe pour la personne qui, de là, leur fera franchir la frontière suisse.

Les Allemands ne tardent pas à soupçonner l’existence de cette filière. Ils glissent, parmi les évadés, l’un des leurs. Celui-ci, se faisant passer pour Anglais, se présente à Charleville. Marcelle Fuglesang, qui sait l’anglais, se charge de l’interroger. Sans doute joue-t-il bien son rôle, puisqu’on le pourvoit du nécessaire comme les autres, et qu’il continue sa route.

Peu après, le 28 octobre 1942, Marcelle Fuglesang est convoquée à la Kommandantur. Elle s’y rend sans hésiter, et s’y présente avec l’insolence qu’elle affiche dès qu’elle est en face des Allemands. Le faux Anglais est là. Marcelle Fuglesang prend tout sur elle. Elle ne peut cependant sauver Léa Lambert, la cuisinière du centre d’accueil, ni Anna Jacquat.

Elle est emprisonnée à Charleville jusqu’au 10 novembre 1942, à Saint-Quentin jusqu’au 19 décembre 1942, à Romainville jusqu’au départ.

Auschwitz N° 31826.

        En arrivant à Birkenau, elle dit à Marie-Claude : « S’ils veulent nous faire travailler, nous refuserons. Ils ne peuvent pas nous forcer à travailler puisque nous sommes protégées par la Convention de Genève ». Chère Fuglesang...

Elle est morte au début de mars 1943. Elle était dans le Revier où Marie-Jeanne Bauer était infirmière. Elle a appelé Marie-Jeanne. Epuisée par la dysenterie, elle était lucide, sans fièvre. Elle a dit : « C’est fini. Je ne crois plus. Il n’y a rien ». Et Marie-Jeanne, la communiste, l’incroyante, lui a répondu : « Si Marcelle. Si, maintenant, il faut croire. »

Ses parents qui étaient en Norvège, ont appris sa mort au retour des rescapées, par une cousine de Paris qui faisait des recherches.

Source : Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 118-120.

 

 

           
JACQuat
Anna, née KARPEN

        Née le 24 mai 1894 à Gilsdorfberg, commun de Bettendorf (grand-duché de Luxembourg), dernière venue d’une famille de sept enfants. Le père est ouvrier dans une briquetterie du pays. En 1914, la guerre disperse la famille. Anna vient à Paris et travaille dans un restaurant d’Argenteuil. À une réunion des Ardennais de Paris, elle rencontre Jacquat, qui vient d’être démobilisé. Ils se marient en 1919 et retournent dans l’est.
En 1942, Anna Jacquat fait partie de la filière d’évasion organisée par Paul Royaux et pourvoit surtout au ravitaillement des prisonniers évadés, ce que son commerce lui permet de faire sans être repérée, son mari et elle tenant un café-restaurant situé près de la gare, à Charleville.

Le 28 octobre 1942, la Gestapo convoque M. Jacquat et l’arrête. Le même jour, et plusieurs jours ensuite, elle perquisitionne chez les Jacquat mais ne trouve rien.
Le 30 octobre 1942, Anna est arrêtée. Sans doute parce que les interrogatoires permettent d’établir que seule la femme fait partie de l’organisation, le mari est relâché le 3 novembre 1942. II regagne la maison où l’attendent ses enfants : une fille de quatorze ans, un garçon de seize ans.
Anna Jacquat est emprisonnée à Charleville jusqu’au 10 novembre 1942, à la prison de Saint-Quentin jusqu’au 19 décembre 1942, à Romainville jusqu’au départ.

 
Auschwitz N° 31827

  En mars 1943, M. Jacquat est convoqué à la Gestapo, où on lui apprend que sa femme est morte à Auschwitz de maux d’estomac. Il est si bouleversé qu’il ne comprend pas le mot « Auschwitz » tel qu’il est prononcé par l’Allemand - il entend quelque chose comme « Autriche » - et quand il arrive chez lui il ne sait même pas la date exacte du décès que l’Allemand a pourtant dû lui dire. Le même jour arrive chez lui M. Lambert, le mari de Léa Lambert, qui était dans la même chaîne qu’Anna Jacquat. Lui aussi a été convoqué à la Gestapo, lui aussi a été avisé que sa femme était morte à ...(il n’a pas bien compris) de maux d’estomac. Sans le dire, chacun se prend à espérer qu’il y a erreur de personne.

Ce n’est qu’à la fin de la guerre que les enfants ont compris. Ils ont reçu pour leur mère la médaille de la reconnaissance française et un certificat de remerciement du général de Gaulle, l’homologation dans la R.I.F, une carte d’internée résistante alors que Mme Jacquat a été déportée, mais jusqu’à ce que nous prenions contact avec eux pour faire ce livre, ils n’avaient rien pour prouver que leur mère avait été déportée, puisque sa mort leur avait été annoncée verbalement.

   Source : Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 150-151

 

 


LAMBERT Marguerite, Léa, née DURBECQ

 

        Née le 9 avril 1892 à Rocroi, elle a été élevée à Hiraumont, et est allée à l’école jusqu’au certificat d’études. En 1942, elle est à la fois cuisinière et économe du centre d’accueil du Secours National des Ardennes, à Charleville, dont Marcelle Fuglesang est l’assistante sociale en chef. Quand les prisonniers qui se sont évadés d’Allemagne font étape à Charleville, ils sont hébergés et nourris au centre d’accueil. Léa Lambert a été arrêtée en même temps que Marcelle Fuglesang, le 28 octobre 1942. Comme celle-ci, elle a été à la prison de Saint-Quentin du 10 novembre au 19 décembre, à Romainville du 19 décembre 1942 jusqu’au départ.

Auschwitz N° 31821

Elle est morte tout au début. Dans le courant de mars 1943, M. Lambert a été convoqué à la Gestapo de Charleville : on lui a dit que sa femme était morte à... (un mot en « iche ») de maux d’estomac, le 1er mars 1943. Sachant que sa femme était avec Mme Jacquat, il courut chez les Jacquat. M. Jacquat revenait justement de la Kommandantur où on lui avait dit que sa femme était morte aussi, à... (aussi un mot en « iche ») et aussi de maux d’estomac. Émile Lambert, homme impulsif bâti en colosse, marchand de bestiaux à la voix forte, a laissé éclater sa colère, s’est répandu en injures contre les Allemands. Il fut arrêté le 31 mars 1944, dans le cadre de laffaire des « parachutistes alliés », puis déporté à Dachau.

 Source : Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 164-165.



Léona RAVAUX, épouse Bouillard,
née le 5 avril 1885 à Éteignères, domiciliée à Auvillers-les-Forges, elle fut arrêtée le 19 mai 1942 pour « activité communiste ». Elle est décédée à Auschwitz le 15 février 1943.

 

                       

Le site de l’association Mémoire Vive est consacré aux convois des « 31 000 » et des « 45 000 », les deux seuls convois de déportés politiques partis de France à destination du camp de concentration d’Auschwitz. L’association recherche tous renseignements sur les déportés de ces deux convois. Le cas échéant, contactez-les (via le site)…

 

Je tiens à remercier Mémoire Vive, et particulièrement M. Pierre Labate pour son aide documentaire et
et pour son autorisation à la publication des photographies d’Auschwitz

© Musée dÉtat d’Auschwitz-Birkenau, collection association Mémoire Vive.

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21 mai 2008 3 21 /05 /mai /2008 13:31
La deuxième guerre mondiale a coûté la vie à 8.938 cheminots. 15.977 ont été blessés.
Parmi eux 809 fusillés, massacrés, et 1.157 morts en déportation pour faits de Résistance.

Un site est désormais consacré aux hommes du rail, résistants et/ou victimes des Allemands pendant la Seconde guerre mondiale. RAIL et MÉMOIRE est une association, créée à l'initiative de cheminots actifs et retraités, qui se propose de redonner à ces combattants victimes du nazisme un visage et une histoire. Rail et Mémoire, selon ses concepteurs, est " un travail en évolution: documents, articles, photos seront rajoutés de façon régulière en fonction de nos découvertes. Nous ne sommes pas des historiens, de simples cheminots voulant rendre honneur à leurs ainés. Ce travail tente de réunir ce qui est épars, tout simplement."
Par ailleurs, l'équipe de recherche de l'asociation est partenaire de l'ARMREL (Association pour la Recherche de la Mémoire de la Résistance en Eure-et-Loir).



   
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