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Les abeilles

Et je sais qu’il y en a qui disent : ils sont morts pour peu de chose. Un simple renseignement (pas toujours très précis) ne valait pas ça, ni un tract, ni même un journal clandestin (parfois assez mal composé). A ceux-là il faut répondre :
« C’est qu’ils étaient du côté de la vie. C’est qu’ils aimaient des choses aussi insignifiantes qu’une chanson, un claquement des doigts, un sourire. Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu’à ce qu’elle étouffe. Elle n’étouffera pas sans t’avoir piqué. C’est peu de chose, dis-tu. Oui, c’est peu de chose. Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus d’abeilles. »
 
Jean Paulhan
« L’abeille », texte signé "Juste", paru dans Les cahiers de Libération en février 1944

Les rendez-vous

Vendredi 12 mai à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Grégory Kaczmarek : "La grande grève revinoise de 1907 : cinq mois de combats ouvriers".

Vendredi 16 juin à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Philippe Lecler : "Pol Renard, un héros de la Résistance".

 

 

1 janvier 2007 1 01 /01 /janvier /2007 00:01

Ceux qui ont lu Article 75 (si, si, il y en a…) se souviennent peut-être d’Henri Saam, cet interprète du Bureau de placement allemand de Charleville qui dirigeait le Groupe d’action de ce service (voir p.178-179).

  Né le 6 janvier 1921 dans le département du Bas-Rhin, boulanger de profession, installé à Charleville, Henri Saam devint sous l’Occupation interprète au Bureau de placement allemand à Charleville (le BPA était chargé de recruter des volontaires au travail en Allemagne, mais aussi d’accueillir les requis au STO). Il fut à ce titre un des responsables du Groupe d’action de cette officine de la Gestapo dans les Ardennes (les GA, appelés dans d’autres départements « Groupe d’action pour la justice sociale » étaient composés d’auxiliaires français de la Gestapo, principalement de militants du PPF).

 Selon un rapport de la Surveillance du Territoire daté du 29 mars 1945, « c’est lui qui assurait la liaison de cette brigade avec les différents services de la police allemande (Gestapo, Feldgendarmerie, Feldkommandantur). Quoique s’occupant particulièrement des réfractaires, il centralisait tous les renseignements rapportés par ses informateurs [les hommes du GA] au sujet de la Résistance et les transmettait à la Gestapo pour leur exploitation. »
Henri Saam reconnut que le Groupe d’action participa à des expéditions contre les maquis aux côtés des troupes régulières.
En fuite à la fin du mois d’août 1944, Henri Saam s’engagea dans l’armée Leclerc à Strasbourg à la libération de cette ville. Après deux mois et demi de campagne, il fut arrêté en février 1945. A son procès, il put produire un nombre important d’attestations certifiant qu’il avait soustrait des jeunes gens au STO et qu’il avait même fourni des renseignements à des agents du 2e bureau. Il fut condamné à 20 ans de travaux forcés le 5 juin 1945 par la Cour de justice des Ardennes, mais fut libéré l’année suivante.

  À mon grand étonnement J’ai retrouvé son nom il y a peu, dans le livre d’Henri Frenay, Volontaires de la nuit, publié chez R. Laffont en 1975.

Henri Frenay, fondateur du mouvement « Combat », y relate, entre autres, l’action d’un de ses lieutenants, Pierre de Froment, chargé du service de renseignements du mouvement, qui tissa sa toile dans le nord de la France et fut arrêté en février 1943 puis déporté en Allemagne.

   

 

« Sur l’indication du SR de Vichy, Pierre s’est rendu pendant l’hiver [1941] à Charleville pour y rencontrer un jeune Alsacien du nom de Henri Saam. C’est un garçon de 20 ans, marié, bientôt père d’un petit bébé. Il parle allemand comme le français et a été embauché à la Feldkommandantur de la ville. Sans la moindre hésitation, il accepte de communiquer à Froment les documents de quelque importance qui passent entre ses mains. Ceux-ci présenteront fréquemment un grand intérêt. Durant l’été 1942, il demandera à son patron de passer en Afrique du Nord pour reprendre du service avec son grade de caporal-chef dans une unité combattante. Il était trop précieux pour que celui-ci accepte. Il continuera donc à remplir son rôle d’ informateur. Peu après la Libération, il sera arrêté, jugé et condamné à vingt ans de travaux forcés car aux yeux de tous, étant employé à la Feldkommandantur, il était agent de l’ennemi. Froment, rentrant de déportation, le fera libérer non sans difficultés en raison des passions locales, souvent partisanes. »
(op. cit. p. 91)
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23 décembre 2006 6 23 /12 /décembre /2006 16:47
   
    Juillet 1940 - Décembre 1943. Si la défaite de la France a mis fin aux hostilités sur le sol national, la guerre ne s'en poursuit pas moins entre les belligérants européens, particulièrement par la voie aérienne. Les affrontements meurtriers entre bombardiers alliés et chasseurs allemands ont laissé de nombreuses traces dans nos régions. Francoise et Pierre Roger se sont efforcés de les recenser pour les Ardennes, dans un ouvrage où le sujet est traité de manière particulièrement exhaustive.

F. et P. Roger, La guerre aérienne au-dessus des Ardennes. Vol. 1 (juillet 1940-décembre 1943), Charleville-mézières, déc. 2006.
(Chez les auteurs ou dans toutes les bonnes librairies)
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20 décembre 2006 3 20 /12 /décembre /2006 21:48

Je le tiens enfin ce fameux « livret bleu » (voir première partie). Déception. Il ne s’agit pas d’une brochure consacrée aux Manises, mais une revue publiée par l’ « Association Soutien à l’Armée Française » dont l’intitulé est « Mémoire et Vérité ». La mise au point voulue par les signataires du collectif dont nous avons parlé dans un précédent article y figure. Deux pages : « Le journal “Le Monde” et la Résistance ardennaise » dont le texte de protestation à l’adresse du quotidien, dont voici un extrait :

 

« Dans un article paru sur deux pages entières, le 1er juin 2004, sous le titre “Massacre dans les Ardennes”, un journaliste du quotidien “Le Monde” s’est permis non seulement de trahir la vérité historique dans l’évocation des faits, mais - et cela est très grave ! - de salir la mémoire d’authentiques résistants dont le chef, dans le “Maquis des Manises” fut le commandant “Prisme”, devenu plus tard le général de Bollardière. »

 

Protestation fondée puisque, malgré de nombreuses interventions, Le Monde n’a jamais daigné répondre aux remarques et indignations du collectif ardennais. J’ai déjà dit mes réserves quant à l’article en question, je n’y reviens donc pas, jugeant par ailleurs fort honorables la persévérance et la pugnacité des signataires.

 

Plus surprenante est la première partie de cet article, préambule signé par le correspondant de l’ASAF dans les Ardennes, le général Antoine de Pouilly. S’associant aux signataires, il rappelle très brièvement les faits. On peut y lire cette phrase qui propose une version inédite des causes du drame : « Malheureusement, dès le 9 juin, le commandant “Prisme” doit faire face à l’afflux spontané de deux cents jeunes gens non armés, non préparés au combat ; ses adjoints ne parviennent à en persuader qu’un tout petit nombre de rentrer chez eux. »

 

Abandonnée la dénonciation de Charton, qui aurait de son propre chef lancé un appel à la mobilisation générale. Cette version a le mérite de ne désigner aucun responsable : « afflux spontané », personne n’a lancé d’ordre, les jeunes sont montés d’eux-mêmes au maquis… le débat est clos... Bien qu’ historiquement correcte, cette nouvelle version est naturellement tout aussi fausse que la première et vise, encore une fois, à esquiver les responsabilités de l’état-major FFI, ainsi que les services londoniens de la France Libre (en l'occurrence le BCRA).

 

Je cite, entre autres, ce document (extrait de L’affaire des Manises, conservé aux Archives départementales, « Archives des FFI », cote 1293 W 4) : « Le 5 juin, lors de la visite de notre chef Grandval le maquis avait un effectif réduit (de 20 à 30 hommes). Le colonel Prisme descendu à Charleville pour converser avec Monsieur Grandval demandait d’élever l’effectif du maquis à 300 hommes. Au cours des conversations qui ont eu lieu entre Grandval, Prisme, Daniel [Delys] – chef départemental maquis – et Fournier, l’ordre nous fut donné de fournir à Prisme l’effectif demandé et d’envisager, si nous ne pouvions y parvenir par l’envoi de réfractaires, de mobiliser tout un secteur. » (p. 123, il s’agissait du secteur de Revin bien sûr).

 

La spontanéité fut un peu forcée. Quant à l’armement, où les jeunes, dans un pays occupé, pouvaient-ils le trouver, sinon au maquis ? La formation, où devaient-ils l’acquérir ?

 

Je re-cite le même ouvrage : « Quant aux moyens en armement et matériels de la mission Citronnelle [sic], ils sont énormes avant l’attaque du 12 juin. Le parachutage qui a lieu la nuit du 7 au 8 mai sur Bohémien apporte vingt-quatre containers ; Le 28 mai, sur Astrologie quatre-vingt-huit containers sont largués, quinze tonnes d’armes, dont armes antichars, quatre-vingt fusils mitrailleurs, avec munitions… Le plus gros parachutage que connurent les Ardennes. De quoi équiper mille cinq cents hommes… Lorsque le maquis doit décrocher dans la nuit du 12 au 13 juin, Prisme ordonne, après un complément de distributions, que les armes soient enterrées. Une corvée y est employée. » (p. 130)

 

J’arrête là. Je ne citerai pas ici le rapport de « Denain » à Grandval, du 22 juin 1944, qui est lui aussi suffisamment éloquent (publié in extenso dans le livre).

 

Il ne s’agit bien sûr pas ici de dénoncer qui que ce soit (surtout pas Jacques de Bollardière), ni de rétablir la « Vérité », ni de bafouer la « Mémoire », mais de rappeler quelques vérités historiques ancrées dans la complexité de cette période si difficile à appréhender. C’est, je le pense sincèrement, le meilleur hommage à rendre aux martyrs et aux combattants du maquis des Ardennes.

Illustration de Simon Cocu

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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 13:46

    Nous apprenons par la presse locale (L’Ardennais du 16 décembre) que le corps d’André Bousy a été exhumé de sa modeste tombe et inhumé à nouveau au carré militaire du cimetière de Givet Saint-Hilaire.

 

Ceux qui ont lu Article 75 se souviennent peut-être de ce résistant givetois tombé sous les balles allemandes le 27 juillet 1944 après avoir exécuté de plusieurs balles de revolver le milicien Raymond Gachet, avec la complicité de Louis Villeval (dont on peut regretter que l’article cité ne fait aucunement mention), qui fut lui aussi tué ce jour-là. Tous deux appartenaient au groupement de Résistance commandé par Jean Vigneron, chef FFI du secteur de Givet  et responsable du mouvement  Libération-Nord dans les Ardennes.

 
 
« Le jeudi 27 juillet 1944, vers 12 h 30, Gachet fut abattu dans une rue de Givet. Ses deux agresseurs, Bouzy et Villeval, dans une opération dirigée par Amerand, furent rejoints sur la route de Charleville par les Allemands et immédiatement abattus. Ils avaient négligé les ordres qu'ils avaient reçu de fuir par la route de Doisches pour couper par Charlemont et gagner Foisches et la Belgique, où ils devaient être pris en charge par la Résistance belge.
 

Des funérailles en grande pompes furent organisées avec représentation des dirigeants de la LVF et du PPF, ainsi qu'une délégation allemande. La population de Givet avait été conviée, le maire prononça un discours lors de la cérémonie.

 

Gachet fit la première page de l'édition du Petit Ardennais des 29-30 juillet, avec un article signé du secrétaire départemental de la Milice Française: « Le premier milicien des Ardennes mort au champ d'honneur », car Gachet avait adhéré à la Milice dès son installation dans le département, au début du mois de juin […].

 
 

Le surlendemain, un nouvel article intitulé sobrement « Raymond Gachet » dressait le portrait du défunt. »

(Extrait de mon article : “Résistants et collaborateurs dans la pointe de Givet (1942-1944)”, Terres ardennaises n° 77, décembre 2001)

 
 
 

Une rue de Givet va désormais porter le nom d’André Bousy (Bousy avec un S et non, comme écrit jusqu’ici avec un Z). Il est dommage que le nom de Louis Villeval n'ait pas été associé celui d'André Bousy dans cette reconnaissance posthume.

 

Pour mémoire, je rappelle que l’épuration extrajudiciaire fit, sous l’Occupation, 6 victimes à Givet ; soit le tiers de celles que j’ai recensées pour le département.

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