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Les abeilles

Et je sais qu’il y en a qui disent : ils sont morts pour peu de chose. Un simple renseignement (pas toujours très précis) ne valait pas ça, ni un tract, ni même un journal clandestin (parfois assez mal composé). A ceux-là il faut répondre :
« C’est qu’ils étaient du côté de la vie. C’est qu’ils aimaient des choses aussi insignifiantes qu’une chanson, un claquement des doigts, un sourire. Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu’à ce qu’elle étouffe. Elle n’étouffera pas sans t’avoir piqué. C’est peu de chose, dis-tu. Oui, c’est peu de chose. Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus d’abeilles. »
 
Jean Paulhan
« L’abeille », texte signé "Juste", paru dans Les cahiers de Libération en février 1944

Les rendez-vous

Vendredi 12 mai à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Grégory Kaczmarek : "La grande grève revinoise de 1907 : cinq mois de combats ouvriers".

Vendredi 16 juin à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Philippe Lecler : "Pol Renard, un héros de la Résistance".

 

 

11 septembre 2015 5 11 /09 /septembre /2015 07:41

   Le résistant ardennais Pierre Cartelet est mort le 27 juin 1944 près de Toulouse, sommairement exécuté par les Allemands. La presse nous apprend que des analyses ADN ont permis d'identifer formellement son corps parmi les suppliciés du bois de la Reulle à Castelmaurou (Haute-Garonne).

Rappelons seulement que si le nom de Pierre Cartelet figure sur la liste aux « Instituteurs ardennais morts pour la France », gravée sur le monument du square de la gare à Charleville,  il l’est aussi sur les pierres du mémorial de Berthaucourt.

 

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Mémorial de Berthaucourt

CARTELET Pierre, né le 26 janvier 1912 à Taillette. Fils d’un préposé des Douanes, Pierre Cartelet étudia à l’école normale d’instituteurs de Charleville.

Mobilisé en 1939, il fut fait prisonnier en juin 1940. Par la suite, il parvint à s’évader du stalag XII A après plusieurs mois de captivité. Il s’enrôla aux Compagnons de France, organisation initialement très « maréchaliste ». Affecté dans les Pyrénées-Orientales, il fut nommé chef du Secteur de Thuir puis de celui de Perpignan, il devint ensuite le chef départemental.

En accord avec ses chefs, il participa à la Résistance dans les Pyrénées-Orientales. Il fut une des chevilles ouvrières du réseau « Bourgogne », qui était chargé d’organiser des passages en Espagne, en particulier ceux d’aviateurs alliés abattus au dessus du territoire français. Cartelet participait également, avec le Savoyard Charles Blanc, aux activités du réseau « Alliance » qui recoupaient en grande partie celles de « Bourgogne ». Il en fut l’organisateur dans les Pyrénées-Orientales, mettant à profit ses fonctions dirigeantes chez les Compagnons. Dans le cadre de ces réseaux, Pierre Cartelet fournit également des renseignements militaires aux Alliés. Pierre Cartelet intégra l’ORA en janvier 1943 (Organisation de Résistance de l’Armée).

 Après l’arrestation à Perpignan de Charles Blanc le 27 janvier 1944, Pierre Cartelet savait que la police allemande l’avait repéré. Il refus de passer an Espagne, avançant qu’il était célibataire et n’avait pas charge de famille. Il voulut poursuivre la lutte clandestine. Condamné à mort par contumace, il quitta Perpignan pour Toulouse (Haute-Garonne) où il entra à nouveau en contact avec l’ORA.

Pierre Cartelet fut arrêté à Toulouse le 11 mai 1944. Incarcéré, torturé, il fut exécuté le 27 juin au bois de la Reulle, à Castelmaurou (Haute-Garonne), par une unité de SS.  Lorsqu’on vint le chercher, il déclara à son camarade de cellule : « C’est la fin. On vient me chercher, si tu en sors tu diras à mes chefs comment je me suis conduit. Tu leur diras que je n’ai livré aucun nom ».

Son nom est inscrit sur le monument aux instituteurs ardennais morts pour la France, à Charleville-Mézières. Une rue de Perpignan porte son nom.

 

 

Voir la notice biographique qui lui est consacrée sur le Maitron des fusillés et exécutés.

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12 août 2014 2 12 /08 /août /2014 10:48

En cette année de commémoration de la libération de la France, les articles et publications se succèdent. On n'en gardera que le meilleur.

Le journal L'Union du 25 juin  publie un article en forme d'hommage à l'action des quatre cheminots d'Amagne fusillés au fort des Ayvelles le 26 juin 1944 (voir ici leurs dernières lettres).

Aujourd'hui, un article publié dans L'Union du 11 août. 

 

   « Ce sont des noms de rues que les Rethélois ont déjà vus des dizaines voire des centaines de fois. Docteur Gobinet, Camille Lassaux, Julien Bernard, Marie-Hélène Cardot, Micheline Huck, Danielle Cazanova. Pourtant, même si ils passent devant, les habitants de la cité Mazarin ne savent pas toujours qui ont été ces gens.

Pour commencer, ils ont tous ont un point commun, ce sont des personnes qui ont joué un rôle pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Voici maintenant pourquoi ces six personnes portent chacun le nom d’une rue à Rethel... »

 

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Julien Bernard, exécuté par les troupes allemandes au maquis des Manises le 13 juin 1944.

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15 mai 2014 4 15 /05 /mai /2014 07:42
À la suite de la publication dans le journal L’Union de l’article L’hommage aux déportés passe aussi par la reconnaissance de leur mort, l’AFMD communique :

L'acte de décès est le document officiel, établi par la mairie du lieu de décès, attestant de l'identité d'une personne décédée. (En complément, cf. art. 79 et 91 du Code Civil).
C'est précisément la raison pour laquelle les nazis avaient établi pour des déportés la catégorie NN, Nacht und Nebel (« Nuit et Brouillard »), ou encore  Nomen Nescio (« Nul ne sait le nom »). Le but était de les faire disparaître à tout jamais, d'effacer toute trace, d'exterminer tout souvenir, toute mémoire de la personne et donc de son nom.
Pour cette raison, le premier stade de la déshumanisation était la perte du nom, remplacé par un numéro, sauf pour ceux qui étaient gazés dès leur arrivée. Nikolaï Subarev, déporté soviétique à Sachsenhausen, déclarait en 1945 : "Je ne suis pas en mesure de décrire toute l'horreur subie dans les camps; je me contenterai de dire qu'on y perdait son nom pour n'être plus qu'un numéro." Pour finir les corps anonymes étaient empilés comme des bûches, les cendres étaient jetées au sol, comme des rejets de la grande industrie des camps, sans sépulture, sans rite, et surtout sans homélie, prière ou paroles d'adieu. N'oublions jamais qu'aux origines, ce qui a distingué l'Homme de l'animal c'est le fait qu'il enterre ses morts.

On mesure donc l'importance de l'enjeu du travail de mise à jour de l'état-civil qui reste à effectuer.

 

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31 août 2012 5 31 /08 /août /2012 18:56

La libération du département connut son lot de drames et, comme lors de l’invasion en 1940, la débâcle allemande n’alla pas sans brutalité. L’histoire du jeune Marcel Cosma, tué par les Allemands à Givet le 5 septembre 1944, est semblable à celle de centaines de Français qui négligèrent toute prudence dans l’enthousiasme d’une libération imminente.   

   

portrait allegeMarcel Paul Cosma est né le 25 octobre 1929 à Fumay. Il habitait avec ses parents et sa jeune sœur à Givet, route de Philippeville, à la frontière, en ce lieu appelé Petit-Doische où était situé le poste des douanes belge. Son père, prénommé Marcel lui aussi, était ouvrier sur la voie aux chemins de fer ; sa mère, Marie, entretenait la basse-cour et le potager qui fournissaient le nécessaire et le superflu en ces temps difficiles. Au cours de la période qui nous occupe, la mémoire familiale conserve le vague souvenir d’actes de résistance qui n’ont laissé aucune trace dans les archives : outre le passage de fugitifs un temps hébergés dans la cave après le retour d’exode en Vendée, l’épisode le plus marquant (et le récit le plus circonstancié qu’on puisse en faire) est celui d’un stock d’armes apporté par la Résistance belge à destination des FFI et qui avait été dissimulé sous une botte de foin.

Peu de temps après cette livraison, le gendarme Noël, de la brigade de Givet (des papiers font apparaître ce nom, ce qui authentifie, au moins en partie, le témoignage), vint un soir prévenir le père Cosma de déménager de toute urgence ce matériel compromettant. Quelqu’un l’avait dénoncé aux Allemands qui ne tarderaient pas à se manifester. Les armes furent enterrées précipitamment dans le jardin, enterrées sous des plants de pommes de terre à la nuit tombée. Et effectivement, le travail à peine terminé, deux Traction-Avant vinrent se garer devant la maison. Les Allemands perquisitionnèrent en vain le domicile des époux Cosma et emmenèrent la famille dans les locaux de la Feldgendarmerie, où les parents furent interrogés toute la nuit. 

Dans le courant de l’année 1944, Marcel, dans sa fougue adolescente et patriote, déroba à un sous-officier allemand de passage une paire de jumelles (la cuisine de la maison Cosma servait parfois d’auberge aux patrouilles allemandes qui s’y arrêtaient pour boire un verre de vin sans doute vendu à prix d’or). Fier de cette prise de guerre, il dût néanmoins en différer son exhibition, sa mère goûtant sans doute fort peu ce genre de bravade qui pouvait avoir des conséquences somme toute assez graves pour son auteur et pour ses proches.

Á Givet, l’été de la libération fut assez  riche en épisodes, comme le savent mes lecteurs (voir ici). Il est plus que probable que l’atmosphère qui régnait alors enthousiasma le jeune Marcel qui ne voulut rien manquer du spectacle offert par l’humiliation de l’ennemi quittant la ville et celui, encore plus exaltant, de l’entrée des chars américains que l’on attendait d’un jour à l’autre.

 

Le maire de Givet sous l’Occupation, Roger Declef, a laissé un récit assez précis des derniers jours de la présence allemande dans sa ville. Ce document n’est pas conservé aux Archives départementales des Ardennes, mais, curieusement, aux Archives nationales, où je l’ai découvert.

C’est le 30 août que débute la débandade des troupes ennemies à Givet. La soldatesque fuyant les armées alliées traverse la ville en direction de la Belgique et de l’Allemagne non sans piller maisons et commerces, alors que les femmes de mauvaise vie font la noce avec les Boches. Tous les véhicules roulants sont « réquisitionnés », et particulièrement les bicyclettes. L’autorité locale, composée de Fedgendarmes  et de douaniers allemands, est partie.

Le 1er septembre au matin des obus tombent sur la ville, dans le quartier de Bon-Secours, alors que l’Armée blanche belge intervient. On tire partout. Le jeune André Roguin est tué, de nombreux blessés sont amenés dans les postes de secours installés à la hâte. Le maire, pharmacien, et quelques bonnes âmes remplacent les médecins disparus… Le soir de ce jour, le quartier de la Soie fait l’objet d’un intense bombardement. Á Foische, un civil, Alexandre Saxe, est tué par les Allemands qui se replient sur le Petit-Givet, occupant la Poste dont ils font leur QG, minant le pont qu’ils font sauter… Deux Allemands sont tués, l’officier en charge des troupes menace de prendre des otages parmi la population. Le 4 septembre, vers midi, une estafette des FFI vient prévenir de l’arrivée de chars américains à Foische, le suivent des éclaireurs des troupes US.

Le jeune Marcel est-il descendu en ville durant ces journées (descendu car trois kilomètres séparent le Petit Doische du centre de Givet) ? On ne le sait et on en doute. Tout ce qu’on peut avancer est qu’il y était le 5 septembre, jour où il y fut tué.

 

L’histoire familiale donne de sa mort plusieurs versions, dont l’une est qu’il fut la cible d’un tireur allemand posté sur la Tour Grégoire, qui domine la Meuse depuis les flancs du Mont d’Haurs. Improbable, m’a écrit un témoin : la tour avait essuyé des coups de canon tirés par un Panzer allemand depuis la Place Verte après que des tireurs appartenant aux FFI l’avaient occupée. Le même précise à propos de Marcel : « Je l’ai un peu connu au collège Vauban, un peu le portrait de Montand jeune, sympathique et peut-être un peu bravache, disait-on. » Un peu bravache Marcel ? Malgré l’interdiction que lui en a faite sa mère, il est descendu en ville alors que les combats continuaient. Il est même parti avec son butin, son trésor de guerre, sa paire de jumelles qui à ses yeux, et sans doute à celui du camarade qui l’accompagnait, l’intronisait soldat de la Libération.

Ce 5 septembre, continue le maire de Givet dans son rapport, « vers trois heures de l’après-midi, le jeune Cosma qui regardait à la jumelle et à découvert la rive droite de la Meuse est tué face à la maison Richard, rue du Puits. Avec Dupetit et Plançon nous allons le ramasser et le conduisons à l’hospice. Famille prévenue, succession remise. »

Le 7 septembre, Givet était libéré dans la liesse. En avril 1945, la famille obtint des services du « Secrétariat général des anciens combattants et des victimes de guerre » l’apposition de la mention « Mort pour la France » à l’acte de décès de Marcel. En 1948, un certificat d’appartenance aux Forces françaises de l’intérieur lui fut délivré, malgré qu’il n’ait jamais appartenu à aucun groupement de la Résistance. Son nom est gravé sur le monument aux morts de Givet, deux fois curieusement, comme victime civile et comme résistant. Il n’est pas inscrit sur le Mémorial de Berthaucourt.  

 

ffiex

Extrait du certificat d'appartenance aux FFI, du 12 février 1948.

 


 

givet nomsMonument aux morts, place Méhul à Givet : son nom est inscrit deux fois.

 

Sources :

Archives familiales M. Cosma

Courrier de M. Fenaux à l'auteur, septembre  2004

"La vie à Givet durant les 8 jours qui ont précédé la libération", R. Declef, le 8 septembre 1944, Arch. Nat. Paris, 72 AJ99

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