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Les abeilles

Et je sais qu’il y en a qui disent : ils sont morts pour peu de chose. Un simple renseignement (pas toujours très précis) ne valait pas ça, ni un tract, ni même un journal clandestin (parfois assez mal composé). A ceux-là il faut répondre :
« C’est qu’ils étaient du côté de la vie. C’est qu’ils aimaient des choses aussi insignifiantes qu’une chanson, un claquement des doigts, un sourire. Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu’à ce qu’elle étouffe. Elle n’étouffera pas sans t’avoir piqué. C’est peu de chose, dis-tu. Oui, c’est peu de chose. Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus d’abeilles. »
 
Jean Paulhan
« L’abeille », texte signé "Juste", paru dans Les cahiers de Libération en février 1944

Les rendez-vous

Vendredi 12 mai à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Grégory Kaczmarek : "La grande grève revinoise de 1907 : cinq mois de combats ouvriers".

Vendredi 16 juin à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Philippe Lecler : "Pol Renard, un héros de la Résistance".

 

 

13 septembre 2008 6 13 /09 /septembre /2008 07:51

        Ce transport occupe une place particulière dans la déportation de répression. Il présente de remarquables similitudes avec celui des femmes du 24 janvier 1943. Ils furent les seuls transports de France vers Auschwitz composés dans leur très grande majorité de prisonniers politiques français.
Parti de Compiègne le 6 juillet 1942, le convoi des 45 000 est arrivé au camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz deux jours plus tard.
Il fut composé depuis le
camp d’internement de Compiègne-Royallieu
à partir de listes de détenus fort disparates : des « politiques » (1 100 hommes), c'est-à-dire une majorité écrasante de communistes, quelques socialistes et radicaux, des droits communs, et 50 à 56 Juifs.
Il s’agit d’un convoi de représailles, formé par l’administration militaire allemande afin de répondre aux attentats dirigés contre soldats et officiers des troupes d’occupation depuis l’entrée du Reich dans la guerre contre l’URSS et qui s’inscrit dans la lutte contre le « judéo-bolchevisme ». Après une période où
les fusillades d’otages avaient été systématisées après chaque action contre l’occupant, mais avaient montré leurs limites quant à leur pouvoir de dissuasion, la déportation « vers l’Est » devint un autre moyen de répression destiné à produire un effet de « terreur » durable dans les milieux résistants, et plus généralement, dans la population.

 

 Les Ardennais domiciliés et arrêtés dans un autre département

Charles, Joseph, BURTON 45316

Né le 24 janvier 1890 à Château-Regnault, domicilié à Bologne (Haute-Marne), ajusteur aux forges de la commune,
Le 7 juillet 1941, il est arrêté à Bologne par des Feldgendarmes. D’abord détenu à la prison de Chaumont, il est ensuite
transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne. Le 8 juillet 1942, Charles Burton est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45316 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée par comparaison avec un portrait civil ; 01-2008). Il est l’un des rares “45000” photographié deux fois : l’opérateur a deviné que la première photo serait floue (bougée) et a refait
sa prise de vue aussitôt.
Charles Burton meurt à Auschwitz le 22 septembre 1942, d’après les registres du camp.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Bologne, place de la Mairie.

Robert DAUNE 45427

Né le 1er août 1910 à Brevilly, domicilié à Longwy (Meurthe-et-Moselle).
Il est probablement arrêté le 5 février 1942, comme otage à la suite du sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février ; action de résistance qui déclenche une vague d’arrestations dans le département.
Le 8 juillet 1942, Robert Daune est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45427 (ce
matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit. Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet - après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau - Robert Daune est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale”.
Pris dans une sélection, il attend devant l’infirmerie, avec d’autre détenus, d’être conduit à la chambre à gaz. Epuisé, il s’évanouit devant la porte. Celle-ci s’ouvre discrètement et il est tiré à l’intérieur. Soigné clandestinement, il y reste caché après sa guérison. Ses camarades le dissimulant à chaque inspection, l’administration finit par le considérer comme mort.
En août 1943, lorsque les SS viennent chercher André Faudry et Georges Marin, respectivement gardien de nuit et coiffeur à l’infirmerie, pour les conduire en quarantaine au Block 11 d’Auschwitz-I, ceux-ci révèlent la présence de Robert Daune, qui retrouve ce jour-là une existence légale et est ramené avec eux.
À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 - la prison du camp - pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11. Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite du nouveau commandant du camp, Arthur Liebehenschel, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Robert Daune est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.
Le 7 septembre, il est dans le petit groupe de trente “45000” transférés - dans un wagon de voyageurs ! - au KL Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw (matr. 40989).
En février, il est parmi les quinze “45000” pris dans des colonnes de détenus évacuées vers le complexe concentrationnaire de Dora-Mittelbau et répartis dans différents Kommandos. Avec, Georges Gallot, Robert Daune est affecté à Dora-Harzungen.
Le 11 avril 1945, Dora est évacué. Maurice Courteaux et Robert Daune sont dans des colonnes dirigées à marche forcée vers Hambourg. Maurice Courteaux s’évade en route, mais Robert Daune est conduit jusqu’à Bergen-Belsen (probablement au sous-camp dit « de la caserne ») où il est libéré le 15 avril.
Il décède le 27 août 1986.

  Louis, Félix, ARMAND 46216

Né le 7 juillet 1898 à Charleville, domicilié à Joeuf (Meurthe-et-Moselle).
Il est probablement arrêté le 5 février 1942, comme otage à la suite du sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février. Le 8 juillet 1942, Louis, Félix Armand est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46216 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après les registres du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail. Au cours de deux journées consécutives, les 18 et 19 septembre, 146 des « 45 000 » sont inscrits sur le registre des décès, probablement gazés dans les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau. Celles-ci fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme « inaptes au travail » (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 10-06-1987).

Léon BUSARELLO 45318

Né le 20 mars 1894 à Fagnon, domicilié à Soissons (Aisne).
Le 8 juillet 1942, Léon Busarello est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45318 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Il meurt à Auschwitz le 30 novembre 1942, d’après les registres du camp.

Camille MOINET 45882 

Né le 3 août 1901 à Laifour, cheminot surveillant  domicilié à Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne).
Il est arrêté le 19 octobre 1941, lors d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre les communistes de Seine-et-Marne, arrêtés comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte ayant eu lieu dans le département.
Le 8 juillet 1942, Camille Moinet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45882 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Il meurt à Auschwitz le 14 janvier 1943, d’après les registres du camp.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-08-1996).

  Henri ANDRÉ 46215 ? 

Né le 13 janvier 1916 à Mézières, domicilié à Paris 5e, imprimeur à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).
Le 25 janvier 1941, il est arrêté pour activités communistes et emprisonné à la Maison d’arrêt de la Santé, puis, le 7 avril, à celle de Fresnes. Il est probablement jugé et condamné à une peine de prison.
Le 18 mars 1942, il fait partie des dix jeunes communistes remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne. Le 8 juillet 1942, Henri André est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 46215, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Il meurt du typhus dans le courant du mois de septembre 1942, selon son ami Louis Faure.

Auguste DARDENNE 45423

Né le 26 juin 1905 à Pouru-Saint-Rémy domicilié à Pantin (Seine-Saint-Denis).
 Le 8 juillet 1942, Auguste Dardenne est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45423, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après les registres du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” (probablement gazé).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 1-03-1988).

Pierre, Joseph, RAUNIER 46034


Né le 7 novembre 1920 à Pouru-sur-Rémy, mécanicien automobile domicilié à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Après l’interdiction des organisations communistes (26 septembre 1939), il adhère à la cellule clandestine des Jeunesses communistes du Fort d’Ivry qui se réunit clandestinement sur les glacis du Fort. Le groupe est victime d’une dénonciation. Le 3 septembre 1941, il est arrêté par le commissaire de police d’Ivry avec neuf camarades, dont Guy Gratiot et Raymond Blais, et inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (dissolution et interdiction des organisations communistes). Incarcéré rapidement à Maison d’arrêt de la Santé (?), il bénéficie d’un non lieu le 15 novembre et est relâché le lendemain, comme ses deux camarades. Néanmoins, la police le considère comme un communiste « fervent ».
Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne. Un mois après son arrestation, Pierre Raunier envoie une carte depuis Compiègne dans laquelle il demande des vêtements chauds pour aller travailler dans un camp. Quand son père vient lui apporter, il est déjà parti.
Le 8 juillet 1942, Pierre Raunier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46034 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; très certainement avant la mi-mars 1943.

Georges, Valère, VINSOUS 46199 

Né le 13 octobre 1897 à Rumigny, employé à la SNCF domicilié à Chelles (Seine-et-Marne).
Le 8 juillet 1942, Georges Vinsous est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46199 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée). Le 13 juillet - après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau - Georges Vinsous est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale”.
Georges Vinsous meurt à Birkenau le 5 janvier 1943, d’après les registres du camp.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 1-09-2001).

Lucien, Léopold, LEHMAN 46293 

Né le 16 juillet 1895 à Sedan, employé de bureau domicilié à Cabourg (Calvados).
Le 1er mai 1942, il est arrêté par la police française. Figurant comme Juif sur une liste d'arrestations demandées par la Kommandantur de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences, il est conduit à la gendarmerie de Dives-sur-Mer.
Le 4 mai, il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne. Ils y arrivent le 5 mai, en soirée. Lucien Lehman y est enregistré sous le matricule 5293.
Selon les listes reconstituées du convoi, Lucien Lehman est déporté comme otage juif.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le 8 juillet 1942, Lucien Lehman est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46293 (aucune photo de détenu de ce convoi n'a été retrouvée après le matricule 46172).
Il meurt le 10 août 1942, selon les registres du camp.


Les Ardennais domiciliés et arrêtés dans le département

 

Julien JURION 45701

Né le 25 mai 1895 à Renwez, domicilié en cette commune. Il était avant la guerre secrétaire de la cellule communiste de Renwez.
Le 19 octobre 1941, il est arrêté par la Feldgendarmerie lors d’une vague d’arrestations contre des membres présumés du Parti communiste clandestin (Jules Ruchot, Clément Auburtin, Eugène Visse, Gaston Gillet, Jean De Bloedt, Jules Michel, Ernest Tréseux).
Conduit à la prison de Charleville et enfermé dans une cellule individuelle. Le 22 octobre à l’aube, il est parmi les huit détenus conduits à la gare pour monter dans un wagon réservé. Le jour même à 12 heures, ils arrivent au camp allemand de Royallieu à Compiègne.
Le 8 juillet 1942, Julien Jurion est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45701 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Il meurt à Auschwitz le 29 octobre 1942, d’après les registres du camp.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 245 du 21-10-1994).

Ernest, André, TRÉSEUX 46156

Né le 9 juin 1906 à Rocquigny, ouvrier domicilié à Sedan-Torcy. Avant la guerre secrétaire communiste de la cellule de l’usine Saint Denis.
Le 19 octobre 1941, il est arrêté par la Feldgendarmerie lors d’une vague d’arrestations contre des membres présumés du Parti communiste clandestin (Voir la notice précédente).
Le 8 juillet 1942, Ernest Tréseux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46156 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Il meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942, d’après les registres du camp.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 128 du 3-06-2001).

Les noms de Julien JURION et Ernest TRESEUX ne sont pas inscrits dans la pierre sur le Mémorial de Berthaucourt !


 

        Pour aller plus loin dans l'histoire de ce convoi, cet excellent ouvrage de C. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, éditions Autrement, Paris, 2005.

                Le site de l’association
Mémoire Vive est consacré aux convois des « 31 000 » et des « 45 000 », les deux seuls convois de déportés politiques partis de France à destination du camp de concentration d’Auschwitz. L’association recherche tous renseignements sur les déportés de ces deux convois. Le cas échéant, contactez-les (via le site)…

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