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Les abeilles

Et je sais qu’il y en a qui disent : ils sont morts pour peu de chose. Un simple renseignement (pas toujours très précis) ne valait pas ça, ni un tract, ni même un journal clandestin (parfois assez mal composé). A ceux-là il faut répondre :
« C’est qu’ils étaient du côté de la vie. C’est qu’ils aimaient des choses aussi insignifiantes qu’une chanson, un claquement des doigts, un sourire. Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu’à ce qu’elle étouffe. Elle n’étouffera pas sans t’avoir piqué. C’est peu de chose, dis-tu. Oui, c’est peu de chose. Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus d’abeilles. »
 
Jean Paulhan
« L’abeille », texte signé "Juste", paru dans Les cahiers de Libération en février 1944

Les rendez-vous

Vendredi 12 mai à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Grégory Kaczmarek : "La grande grève revinoise de 1907 : cinq mois de combats ouvriers".

Vendredi 16 juin à 18 h, aux Archives départementales à Charleville-Mézières, dans le cadre des vendredis de l'histoire de la Société d'Histoire des Ardennes, conférence de Philippe Lecler : "Pol Renard, un héros de la Résistance".

 

 

9 juin 2007 6 09 /06 /juin /2007 17:42
   
    Je travaille une semaine de jour et une semaine de nuit. Cela me permet de passer des morceaux de toile qui me serviront, par la suite, à faire des chaussettes russes.
Je suis avec des prisonniers de guerre transformés. Ils ont quitté leur stalag et sont dans notre camp. Une loi passée avec Vichy permet aux PG de pouvoir devenir des PG transformés, c'est-à-dire, libres. Une liberté toute fois bien minée mais qui les autorise à pouvoir sortir. II ne faut pas se leurrer, cette liberté est des plus précaire et étroitement surveillée par la Gestapo.
Dans la piaule, je me trouve avec onze PG et cinq requis. II n'y a aucune distinction entre nous. II faut savoir que le camp de Stöken est cosmopolite : outre les Français, des Polonais, des Croates, des Danois, des Hollandais des Belges et des Espagnols s'y trouvent.Le temps passe lentement Les alertes aériennes se font de plus en plus nombreuses. Quand nous sommes au camp la journée, nous regardons les vagues d'avions passer très haut dans le ciel, en formation très serrée, tout en pensant à ceux qui vont déguster.

    Nous quittons le camp de Stöken, qui est vidé de tous ses occupants, pour faire place à des détenus juifs Polonais. Je me retrouve au camp de Krigchul, toujours avec des PG transformés. Le camp est déjà occupé par des « Badoglios » (soldats italiens déserteurs de l'armée du Maréchal Badoglio et faits prisonniers par les Allemands).
Le camp est plutôt mal situé : il est placé dans un endroit marécageux, pas très propre. L'hygiène douteuse fait que nous sommes envahis de punaises. Elles sont parachutées sur nous quand nous sommes couchés. Involontairement, nous en écrasons. Cela pue ! C'est infect !
Les puces sont elles aussi de la partie ainsi que les poux qui nous rongent le corps. Entre les morsures et les démangeaisons, quelle galère ! Qui plus est, pas facile de s'en débarrasser.
Je me souviens que je portais un pantalon de grosse toile de l'armée française teint en bleu foncé que ma mère m'avait fait parvenir par l'intermédiaire du Secours Catholique. Cela me démangeait tellement que je ne cessais de me gratter entre les cuisses. Un soir, n'y tenant plus, je finis par baisser le pantalon. Quelle horreur-! C'est impensable ! Dans le fond, je découvre une plaque de lentes aussi large que ma main. II m'a fallu frotter et nettoyer toute cette saleté avec les moyens du bord ; nous n'avions guère de choses pour nous nettoyer correctement : pas d'eau chaude, peu de savon, un rasoir que nous nous prêtions avec des lames bien fatiguées (même nous raser devenait une corvée).

    Se laver n'est pas chose facile. Les douches n'existent qu'à l'usine. Au camp, seul un grand lavabo collectif comprenant un grand bac avec un tube percé sur le dessus est installé. Les WC ne sont en fait qu'un grand bac en ciment équipé d'une barre en bois pour nous permettre de nous appuyer. Nous nous trouvons dos à dos. Inutile de dire l'horreur dans ces bacs ! Heureusement, notre séjour dans ce camp est de courte durée puisque nous regagnons le camp de Stöken (les détenus juifs Polonais ont été emmenés on ne sait où). Nous retrouvons les piaules, les châlits dans un bien triste état et beaucoup de paillasses sont tachées de sang. Je dors tout habillé, enroulé dans une couverture grise que j'ai récupérée au camp de Krigchul. Après ces deux années, je n'ai plus grand'chose à me mettre. Outre le pantalon de grosse toile bleue, je porte un maillot kaki qu'un PG m'a donné.

A suivre...
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