Léon Degrelle, né le 15 juin 19O6, est le fils d’un brasseur prospère de la ville de Bouillon. Il fait ses études à l’université de Louvain, se fait remarquer par ses talents de journaliste auprès de la hiérarchie catholique qui lui confie en 1930 une petite maison d’édition, Christus Rex dont il devient le seul maître en 1933. Les périodiques rexistes, qui combinent articles populaires et courtes histoires contenant une homélie catholique, prennent rapidement un caractère politique et se font de plus en plus polémiques, attaquant tous les pouvoirs et appelant à une renaissance spirituelle en Belgique. Degrelle commence par organiser des meetings où il perfectionne ses qualités d’orateurs et son style direct et musclé. Des groupes locaux se créent, et Rex devient un parti politique qui, sur le thème « balayons les politiciens corrompus », gagne 21 des 202 sièges aux élections législatives de 1936. Fort de ce succès, Degrelle appelle en octobre de cette année-là à une « marche sur Bruxelles » inspirée de la marche sur Rome qui avait mené Mussolini au pouvoir. L’affaire tourne au fiasco, Rex s’aliène tous ses soutiens, sa puissance électorale décline, et le mouvement glisse rapidement à l’extrême-droite de l’éventail politique. A la fin des années 30, Rex est réduit à un groupe marginal. Arrêté lors de la déclaration de guerre, Degrelle est emprisonné, transféré de prison en prison devant l’avance de l’armée allemande, enfin libéré en France.
Le choix de la collaboration (mai 1940- décembre 1943)
Rentré en Belgique occupée, Degrelle ambitionne de reconstruire Rex en tant que parti politique et mouvement de masse, pour en faire le parti unique de l’Ordre nouveau en Belgique, instrument de sa conquête du pouvoir. Rex adopte les attitudes et cérémonials des partis fascistes : uniformes pour les militants, association de jeunesse, cultes du chef et de la force, création d’une milice rexiste (les Formations de combat). Mais les adhésions ne rentrent pas. Plus grave : l’administration allemande de Bruxelles refuse la collaboration proposée par Degrelle, privilégiant le Vlaams nationaal verbond (VNV) des nationalistes flamands.
La guerre entre l’Allemagne et l’URSS change la donne géostratégique, et à l’instar des collaborateurs français, Degrelle propose à l’occupant la formation d’une Légion Wallonie qui serait composée de Belges francophones combattant sous l’uniforme allemand sur le front de l’Est. La proposition est agréée et Léon Degrelle s’engage : il part dès le 8 août 1941 pour un camp d’entraînement de la Wehrmacht avec le premier contingent de la Légion, composée essentiellement de rexistes. Un chef de Rex par intérim est nommé, Victor Matthys, pour remplacer Degrelle pendant son absence de Belgique. De fait, Degrelle va faire de la Légion son instrument et abandonner Rex à ses lieutenants.
A partir de 1942, la collaboration, sous toutes ses formes, devient peu à peu la raison d’être de Rex. Les militants s’isolent progressivement de l’ensemble de la population qui a, dans sa grande majorité, embrassé la cause alliée. Les militants rexistes deviennent des cibles prioritaires pour la Résistance alors que les milices rexistes secondent les forces de police allemande dans leur répression de la Résistance et dans la chasse aux réfractaires du STO. Matthys demande même que des otages soient fusillés en représailles aux attentats contre les militants de Rex. Les premières exécutions ont lieu à Charleroi le 27 novembre 1942. Huit fusillés, qui sont les premiers d’une longue liste (240 prisonniers politiques seront exécutés entre cette date et juillet 1944)…
La poursuite de la collaboration totale (janvier 1943-septembre 1944)
De passage à Berlin le 19 décembre 1942, Degrelle, de retour du front, rencontre à Berlin le chef du quartier général de la SS, Gottlob Berger. Ce sera pour le chef de la Légion et de Rex un révélation. A Bruxelles, au cours d’un grand rassemblement rexiste le 17 janvier 1943, Degrelle martèle les thèmes de la nouvelle orientation du mouvement : il présente la Wallonie et l’Allemagne comme une même entité, défendant l’idée d’un héritage germanique de la Wallonie, assurant les leaders du IIIe Reich de la fidélité inconditionnelle du peuple wallon. Le thème « bourguignon » devient central (Degrelle idéalise l’empire bourguignon comme l’âge d’or de l’œuvre commune aux Flamands et aux Wallons). Puis Degrelle, en mai 1943, rencontre le chef de la SS, Himmler : la Légion Wallonie s’intègre dans la Waffen SS le 1er juin, et prend le nom de SS-Sturmbrigade Wallonien.
En Belgique, fort du soutien allemand, Rex renforce ses structures, avec notamment la création d’une force de police collaborationniste, et infiltre ses partisans dans les administrations communales (Charleroi, Liège, La Louvière…). La violence rexiste augmente à mesure que les effectifs du mouvement décroissent : on estime à seulement 12 000 le nombres de partisans de Rex en 1943-1944 (environ 1% de la population belge)… « Comme Rex est intégré à l’appareil administratif et militaire nazi, le caractère des rexistes devient plus allemand que belge. C’est l’étape finale et extrême de la collaboration. Ils portent des uniformes allemands, utilisent les titres allemands et parlent allemand. Ils ont droit aux rations des citoyens allemands et beaucoup achètent leur nourriture dans des magasins réservés au personnel allemand. La police rexiste circule dans les Mercedes des forces d’occupation et les membres de Rex imitent les us et coutumes des Allemands dans la vie courante. En privé comme en public, ils cherchent la compagnie d’Allemands, les invitent chez eux et épousent parfois des Allemandes. L’Allemagne, précise un rexiste, est devenue sa seconde patrie. En réalité, c’est la première et seule patrie de beaucoup d’entre eux. » (Conway, p. 304)
De ce fait, la Résistance, (surtout les Partisans armés, équivalent de nos FTP), intensifie les attaques contre les rexistes et leurs familles. A compter de janvier 1944, l’état-major de Rex, par la voix de Matthys, déclare publiquement son intention de venger directement la mort de ses partisans.
L’arrivée des Alliés provoque une escalade dramatique de la violence : près de 350 collaborateurs sont abattus en juin et juillet 1944 (chaque jour, un collaborateur est tué à Charleroi) ! Les représailles rexistes vont s’exercer dans le cadre des mesures de « contre-terrorisme » prises après l’exécution du frère de Léon Degrelle à Bouillon (voir article), et vont culminer avec la tuerie de Courcelles (27 personnes tuées dans la nuit du 17 au 18 août, dont plusieurs femmes et un prêtre).
A la Libération, la plupart des rexistes (5 à 10 000) fuirent avec l’armée allemande, se réfugiant près de Hanovre. A son procès, Matthys dira que la politique de Rex pendant les années d’occupation, fut, malgré l’hostilité de l’immense majorité de la population belge, poursuivie avec une détermination aveugle qui ne peut s’expliquer que comme le produit de « l’extraordinaire existence en vase clos que nous avons menée, de cet isolement spirituel dans lequel nous avons été confinés. Pendant ces années, je n’ai connu, et je n’ai jamais vu que des hommes qui pensaient, qui jugeaient et qui sentaient comme moi. » (Conway, p. 314) Matthys sera fusillé, avec la plupart des membres de l’état-major du mouvement, en novembre 1947.
Quant à Degrelle, il quitta l’Allemagne en flamme de manière rocambolesque, trouva refuge dans la péninsule ibérique où il parvint à se faire naturaliser espagnol. Il s’éteignit le 31 mars 1994 à Malaga. Ses cendres furent dispersées au-dessus de la Belgique, son corps ayant été interdit de retour sur ordre du roi.
Un ouvrage nécessaire à la compréhension de la Belgique contemporaine. Au delà de la personnalité de Degrelle et de l’action du mouvement Rex, le livre de Martin Conway dresse le tableau de l’histoire politique de la Belgique des années 30 jusqu’à la Libération.

(photo tirée de L. Narvaez, Degrelle m'a dit, Ed. du Baucens, Bruxelles, 1977)